Habitante de La Coudraie, Sira Kanté préside depuis mai 2021 “Jardin partagé familial“, une association à son image : généreuse, solidaire et ouverte aux autres.
Dans les jardins partagés de La Coudraie, Sira Kanté se sent comme chez elle. Quand elle vous fait la visite du site, celle que tout le monde dans le quartier connaît sous le surnom de Princesse, vestige d’un rêve d’enfance transposé à l’âge adulte, s’extasie devant le jardin de l’amoureux, celui de Blanche-Neige ou de la Paix, celui, impeccablement tenu de monsieur Da Silva… « Chaque jardinier y met de sa personne, de sa culture. On voyage sans bouger, sourit-elle en s’avançant vers sa parcelle pour présenter son jardin. Le mien me ressemble : c’est un fouillis organisé multicolore ! » Ces quelques 15m2 situés en bordure du quartier constituent sa fierté : « Quand j’ai obtenu le terrain en 2017, je ne connaissais rien au jardinage, avoue-t-elle. La première année, j’ai tout semé à la volée, ma voisine se moquait de moi. » Aujourd’hui, la maman de cinq enfants parvient à y faire pousser, à côté des iris, tournesols et autres impatiences, haricots verts, fraises, concombres, courgettes, aubergines, myrtilles, menthe, poivrons et même vignes, s’enorgueillit celle qui a grandi en Champagne après être arrivée du Sénégal à 5 ans.
"Le jardin m'a permis de m'évader"
Ce petit coin de verdure où elle aime venir travailler la terre mais aussi simplement se reposer, elle a très vite décidé de l’ouvrir aux autres : « Les gens peuvent venir quand je suis là : ils me donnent un coup de main, on discute, on s’écoute. J’ai même réservé un petit espace où les enfants viennent jardiner », explique-t-elle en montrant les épinards, piments et tomates que ces jeunes à la main verte ont réussi à faire sortir de terre. Ce partage avec les autres, Sira Kanté en a un besoin viscéral, plus encore depuis qu’elle a vécu une période compliquée entre difficultés professionnelles et familiales : « Le jardin m’a permis de m’évader, d’aider les autres autrement que dans mon métier. Toutes les thérapies du monde ne nous apportent pas ça, pense l’aide-soignante de formation qui a été reclassée à l’encaissement de l’hôpital pour raisons de santé. Je donne beaucoup car j’aime rendre les gens heureux. En retour, cela m’apporte énormément aussi. »
"Nous œuvrons aussi pour améliorer notre cadre de vie dans le quartier"
Quand survient le Covid, ces moments partagés s’arrêtent brutalement. Mais dans le quartier, une solidarité se met rapidement en place, à l’initiative notamment de Sira Kanté, arrivée à La Coudraie en 2014 : « Nous avons créé un groupe whatsapp pour échanger les choses dont chacun avait besoin. Il y avait aussi des vidéos de recettes des spécialités de chacun. » La période accentue aussi le rapprochement avec les autres jardiniers : « J’ai demandé si on pouvait quand même se rendre dans nos jardins. Heureusement, la Ville nous a dit oui, sinon je serai devenue folle, rigole-t-elle. Nous restions à distance mais nous nous parlions, ça nous a beaucoup aidé. Cette résilience a perduré après le Covid. » Elle se traduit par la création de l’association “Jardin partagé familial“ le 7 mai 2021 dont l’objectif est l’entraide entre jardiniers et la mise en place d’activités pour les enfants, les samedis de 16h30 à 18h30. « Mais il s’agit de bien plus que cela, s’enthousiasme Sira Kanté, élue présidente de l’association. Des liens se créent entre les gens, entre générations, entre cultures et même entre quartiers puisque des jardiniers du centre-ville nous ont rejoints. Nous distribuons ce que chacun produit en trop, nous organisons des grands pique-nique, nous avons créé une parcelle pédagogique, nous souhaitons travailler avec des personnes handicapées… Nous œuvrons aussi pour améliorer notre cadre de vie dans le quartier. L’idée est de rendre les gens responsables et acteurs de ce lieu. » Une vraie parole de princesse.