Dimanche 25 avril 2021

Cérémonie du souvenir des victimes et des héros de la déportation

Discours de Karl Olive, Maire de Poissy,

Comme au Printemps 2020, nous retrouvons cette année encore dans des conditions particulières pour cette cérémonie d’hommage aux victimes de la déportation.

La situation sanitaire ne nous permet pas de nous réunir nombreux autour du monument aux morts, comme nous avions coutume de le faire.

Mais il est essentiel de continuer à célébrer le souvenir des victimes de la déportation.

Il est important que cette cérémonie retransmise en direct nous permette d’honorer leur mémoire malgré les circonstances.

Ce devoir de mémoire reste essentiel !

Plus que jamais, nous devons faire Nation en ces instants difficiles où chacun est confiné, isolé. Or en rappelant à notre souvenir collectif les drames de la déportation, nous renouons avec un sentiment d’unité nationale fédérateur.

Un sentiment d’unité nationale qui seul doit nous animer dans la période que nous vivons et dont nous ne pourrons sortir que collectivement.

Aujourd’hui donc, comme chaque année depuis la loi du 14 avril 1954 portée par Edmond Michelet, nous honorons en ce 25 avril, la mémoire de tous les déportés, à l’occasion de la journée nationale du souvenir des victimes de la déportation.

Qui mieux qu’Edmond Michelet, Ministre du Général de Gaulle, résistant et survivant de Dachau, aurait pu porter cette loi et la création de cette journée du souvenir.

Qui mieux qu’Edmond Michelet, fait Juste parmi les Nations, et à qui nous avons justement consacré une Promenade au cœur de notre nouveau quartier Rouget de Lisle.

Qui mieux qu’Edmond Michelet qui, de retour des camps écrivait :

« Ni sains ni saufs. […] L’expérience que nous avons vécue est indélébile. Nous avons sondé des abîmes en nous-mêmes et chez les autres.

Une certaine candeur nous est à jamais interdite. »

 

Dès 1933, dès les premiers camps, les victimes enfermées souffrent jusqu’à leur mort du manque de soin et de nourriture, d’un travail forcé harassant, d’exécutions sommaires.

L’horreur de la déportation n’a pas de limite.

Six centres d’extermination sont créés, majoritairement en Pologne occupée et au moins 27 camps de concentration sur le territoire de l’Allemagne nazie.

On estime le nombre de personnes ayant transité dans un camp à 6 millions.
6 millions de résistants, d’opposants, de syndicalistes, de militaires, de communistes, de francs-maçons.

6 millions de juifs, de tziganes, d’homosexuels, d’handicapés.

6 millions de femmes, d’hommes, d’enfants nés ou à naître.

Hana Berger Moran, survivante des camps, raconte :

«  Je suis née sur une table, dans l’usine d’aviation où ma mère travaillait, devant tout le monde. Je ne pesais qu’un kilo et six cent grammes. Ma mère en faisait trente-cinq ».

Ce témoignage comme tant d’autres nous rappelle ce qu’était la déportation.

D’innombrables traitements criminels.

Un incroyable renoncement à tout ce qui fait l’humanité.

De l’exploitation laborieuse pour des travaux inhumains aux violences faites aux femmes, en passant par les expériences médicales : l’idéologie nazie déshumanisante n’aura rien épargné aux ennemis supposés du 3ème Reich.

 

Devant l'avancée des armées alliées, dès le printemps 1944, les nazis ordonnèrent la destruction des chambres à gaz, des crématoires, des archives et l'évacuation des camps, jetant sur les routes des milliers d'hommes et femmes affamés et affaiblis.

Une marche de la mort au bout de laquelle nombre d’entre eux périrent d’épuisement.

 

Il fallut quatre mois pour libérer les camps de concentration et pour que le monde découvre le pire de ce que l’être humain peut faire.

Dans Si c’est un homme, Primo Levi témoigne : « Nous nous apercevons que notre langue manque de mots pour exprimer cette insulte : la démolition d'un homme. En un instant, dans une intuition quasi prophétique, la réalité nous apparaît : nous avons touché le fond. Il est impossible d'aller plus bas : il n'existe pas, il n'est pas possible de concevoir condition humaine plus misérable que la nôtre. Puisse l'histoire des camps d'extermination retentir pour tous comme un sinistre signal d'alarme. »

 

Aujourd’hui, nous commémorons ensemble une tragédie historique mais aussi les leçons qui s’en dégagent.

Ce travail de mémoire nous concerne tous afin que de telles atrocités ne se reproduisent jamais. Il est de notre devoir d’assurer la pérennité d’une mémoire historiquement et politiquement plurielle avec le souci de transmettre aux générations futures nos blessures historiques mais aussi leurs origines et leur cicatrisation.

La France attendra 1995 pour se tenir enfin face à son passé : une France de Vichy, actrice de la déportation.

Au Vélodrome d’Hiver, où plus de 13 000 personnes ont été détenues en attendant les trains de la mort vers les camps, le président Jacques Chirac rappela que l’Etat français a secondé les nazis dans leur « folie criminelle ».

 

Oui, la France occupée a collaboré. La machine concentrationnaire nazie s’est étendue en Europe à mesure que le IIIème Reich s’emparait de territoires.

Oui, elle a détruit des centaines des milliers de familles et volé des millions de vies au nom d’une idéologie indicible.

Oui, elle a contribué à cette toile meurtrière tissée en Europe, en identifiant les juifs de France, en promulguant des lois d’Etat réductrices de leurs libertés et leurs droits et finalement en déportant plus de 165 000 femmes, hommes et enfants.

 

Mais la France occupée a aussi résisté.

La France résistance, elle a la volonté des Pisciacais Marcel et Antoinette Loubeau, le courage du père Jean Fleury, la force de Germaine Ribière, les valeurs de  Georges Lauret, l’audace de Geneviève Brousset.

La France résistante, elle est incarnée par ces anonymes, faits « Justes parmi les Nations », eux qui ont permis de sauver les trois quarts de la communauté juive de France.

Une solidarité entre Résistants dont témoigne l’Yvelinoise rescapée des camps Jacqueline Fleury-Marié dans son ouvrage Résistante :

« Chaque nuit, je vois vos visages. Chaque nuit, j'entends vos voix, Chaque nuit, je vous sens là, près de moi.

Mes sœurs de combat, mes compagnes des ténèbres. Nous ne sommes plus qu'une poignée à pouvoir témoigner et le monde nous oublie ».

De la résistance à la commémoration, d’hier à aujourd’hui, nous avons à cœur de faire vivre la mémoire de ceux qui ont fait ce que nous sommes.

Au nom des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité, continuons la lutte et l’union de la France, rempart infranchissable face à l’intolérance et la haine, pour que l’histoire ne se reproduise pas.

Cette même histoire qui n’a de sens que si les générations futures se rappellent que l’Horreur et la Haine commencent avec le même H majuscule que l’Histoire !  

 

Cette Horreur et cette Haine que nous devons continuer à combattre au quotidien comme nous l’a rappelé encore ce vendredi 23 avril, le lâche assassinat d’une fonctionnaire de police de 49 ans !

Au cœur même de son commissariat de Rambouillet.

Dans l’enceinte d’un des emblèmes de notre République.

Un de ces lieux symboliques, cibles de ceux qui en veulent à nos traditions et à nos institutions !

Car ils incarnent tout ce que nous ne cesserons de défendre.

L’ordre républicain visé à travers ce commissariat.

La liberté de parole attaquée dans les locaux de Charlie.

Le message des Lumières attaqué à travers Samuel Paty.

La liberté de culte et la laïcité à la française ciblées tant de fois ces dernières années.

Ecoles, commissariats, armées, lieux de cultes… les symboles sont forts !

Mais notre détermination à lutter contre ceux qui veulent changer notre mode de vie n’est pas moins forte.

En ce jour de commémoration j’appelle une nouvelle fois à l’union sacrée derrière nos forces de sécurité.

Derrière tous les policiers de France, toutes les fonctionnaires de police qui veillent sur notre sécurité.

Au péril de leur vie.

Pour défendre notre République,

Pour faire en sorte que nos enfants et nos petits-enfants continuent de connaître la paix que nous avons la chance de vivre depuis bientôt 76 ans.

Pour ne rien céder à l’isolement et au communautarisme consciencieusement entretenus par certaines idéologies radicales, prêtes à nous diviser et à nous priver de notre liberté.

Comme il y a 76 ans !

 

A tous les déportés dont nous honorons aujourd’hui la mémoire, nous devons cet engagement.

Nous commémorons pour honorer.

Nous commémorons aussi pour résister.

Nous commémorons pour transmettre.

Restons unis autour de nos couleurs transmises au prix de millions de vie.

 

Vive Poissy,

Vive la République

Vive la France !

Restez connecté