Le cube de toile était posé à l’entrée de la cité scolaire Le Corbusier. Dessus, des élèves de l’établissement ont dessiné, écrit, caricaturé, fait passer des messages. Un espace d’expression libre installé après l’attentat dont a été victime Samuel Paty, professeur d’histoire à Conflans, à l’initiative de Magali Bénévent, enseignante en arts plastiques.
« Cet assassinat m’a heurtée comme professeure et comme citoyenne, explique-t-elle. Il m’a questionné, notamment sur notre rapport à la liberté. Je me suis demandée comment porter le débat sur ce sujet auprès de mes élèves. Comment leur donner la parole ? » L’idée du mur d’expression est née après que le proviseur Laurent Fouillard a fait parvenir aux professeurs un message de soutien avec le poème de Paul Eluard, Liberté. « Sur l’une des faces du cube j’ai repris l’illustration réalisée par Fernand Léger de ce poème. Les trois autres faces sont réservées aux élèves, nous les avons encouragé à laisser leurs impressions, leur ressenti. »
Au fil des jours, une centaine de jeunes s’approprient cet espace : « Nous ne savions pas à quoi nous attendre, résume Laurent Fouillard, le proviseur. L’art est un excellent moyen d’exprimer sa pensée. Nous avons tout laissé et il n’y a pas eu de provocation, de messages déplacés. » Le contenu des messages est divers : référence à la liberté d’expression, compassion pour Samuel Paty, symboles de paix, soutien aux professeurs mais aussi critiques envers le ministre de l’Education Nationale, Jean-Michel Blanquer, soutien aux Ouïgours… « Il y a des choses très belles, d’autres maladroites, constate Laurent Fouillard, mais tout est important, chacun avait quelque chose à exprimer. » « Les dessins eux même ont provoqué des débats entre des élèves qui n’étaient pas d’accord, souligne également Magali Bénévent. Mais ils se sont parlé, ont argumenté, échangé, c’est essentiel. »
Le 9 décembre, journée nationale de la laïcité, une autre action symbolique s'est déroulée dans la cité scolaire. A l'initiative des fédérations de parents d'élèves, un olivier, a été planté dans la cour pour honorer la mémoire de l'enseignant assassiné. « Il est important que les établissements scolaires réagissent après l’assassinat de Samuel Paty, et que cela s’inscrive dans la durée, au-delà d’un simple moment de recueillement le jour de la rentrée, décrit Laurent Fouillard. La réalisation de ce mur et la plantation de l'olivier font partie de cette réflexion. Nous avons aussi mis en place d’autres actions de citoyenneté, autour du théâtre, de débats, de rencontres pour expliquer nos valeurs républicaines, leur donner un sens. »